Le projet de loi de finances 2018 déposé à l’assemblée nationale le 27 septembre 2017 prévoit la création de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) et l’abrogation de l’Impôt sur la fortune (ISF). 

Comme annoncé par le gouvernement, la structure de l’IFI est similaire à celle de l’ISF, avec le même barème, et s’apparente à un ISF limité aux actifs immobiliers.

Toutefois, le passage d’un impôt global à un impôt sectoriel génère des interrogations quant à la déduction des dettes : l’ISF est (bientôt était) un impôt sur le patrimoine net mais la possibilité de continuer à déduire des dettes sur un impôt sectoriel ne peut que soulever des difficultés : opérations ad hoc, égalité devant l’impôt, rendement de l’impôt…

Le projet de loi de finances confirme la possibilité de déduire les dettes afférentes aux biens immobiliers mais contient des limitations importantes (nouvel article 974 du Code général des impôts) :

 – restrictions quant à l’objet des dettes déductibles de l’IFI : dépenses d’acquisitions, réparation, entretien, amélioration, construction, reconstruction, agrandissement ou impositions (sauf IR) afférentes à des biens immobiliers

 – restrictions quant au type de prêt. Amortissement théorique des prêts in fine. Limites à la déductibilité des prêts consentis par des personnes apparentées

 – plafonnement de la déductibilité des prêts à 60% à 80% de la valeur taxable lorsque le patrimoine immobilier dépasse 5 millions d’euros.

Attention : les éléments de cette note reprennent le projet de loi de finances initial tel que déposé à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi finances va être revu et discuté par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il fera également le cas échéant l’objet d’un contrôle par le Conseil constitutionnel. Il importera de se reporter au texte promulgué.

 

1/ Restrictions quant à l’objet des dettes déductibles de l’IFI : dépenses d’acquisitions, réparation, entretien, amélioration, construction, reconstruction, agrandissement, ou impositions (sauf IR) afférentes à des biens immobiliers

L’article 974 nouveau tel que rédigé dans le projet de loi de finances ne prévoit la déductibilité que des dettes :

1) afférentes à des dépenses d’acquisitions de biens ou droits immobiliers

2) afférentes à des dépenses de réparation et d’entretien effectivement supportées par le propriétaire ou supportées pour le compte du locataire par le propriétaire dont celui-ci n’a pu obtenir le remboursement, au 31 décembre de l’année du départ du locataire

3) afférentes à des dépenses d’amélioration, de construction, de reconstruction ou d’agrandissement

4) afférentes aux impositions, autres que celles incombant normalement à l’occupant, dues à raison desdites propriétés. Ne relèvent pas de cette catégorie les impositions dues à raison des revenus générés par lesdites propriétés

5) afférentes aux dépenses d’acquisition des parts ou actions détenant des actifs immobiliers.

      Et sous réserve que ces dettes soient afférentes à des actifs imposables, le cas échéant à proportion de la fraction de leur valeur imposable. 

2/ Restrictions quant au type de prêt – Prêt in fine – Prêt par des personnes apparentées

Le projet de loi de finances contient une limitation générale de déductibilité des dettes qui doivent être :

– existantes au 1er janvier de l’année d’imposition

– contractées par le redevable

– et effectivement supportées par le redevable.

 

Amortissement théorique des prêts in fine

Le projet de loi de finances limite fortement la déductibilité des prêts in fine, qui ne seront déductibles que dans la limite du montant restant dû après amortissement linéaire théorique sur la durée du prêt :

    « ne sont pas déductibles les dettes […] correspondant à des prêts 1° prévoyant le remboursement du capital au terme du contrat contractés pour l’achat d’un bien ou droit immobilier. Ces dettes sont toutefois déductibles chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre 3 d’années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d’années total de l’emprunt. » 

 

Limites à la déductibilité des prêts consentis par des personnes apparentées

Le projet de loi de finances prévoit la non-déductibilité des prêts consentis par des personnes apparentées :

      « ne sont pas déductibles les dettes […] correspondant à des prêts 

2° contractés directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés ou organismes interposés, auprès du redevable, de son conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité mentionnés à l’article 964, du concubin notoire, des enfants mineurs de ces personnes lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci ;

3° contractés directement, ou indirectement par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés ou organismes interposés, auprès d’un ascendant, descendant autre que celui mentionné au 2°, frère ou sœur de l’une des personnes physiques mentionnées au 2°, sauf si le redevable justifie du caractère normal des conditions du prêt, notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements ;

4° contractés par l’une des personnes mentionnées au 2° auprès d’une société ou organisme que, seule ou conjointement avec son conjoint, leurs ascendants ou descendants ou leurs frères et sœurs, elle contrôle au sens du 2° du III de l’article 150- 0 B ter, directement ou par l’intermédiaire d’une ou plusieurs sociétés ou organismes interposés. »

3/ Plafonnement de la déductibilité des prêts à 60% à 80% de la valeur taxable lorsque le patrimoine immobilier dépasse 5 millions d’euros.

L’article 974 III prévu par le projet de loi de finances institue un plafonnement de la déductibilité des dettes lorsque le patrimoine immobilier excède 5 millions d’euros : seulement la moitié de la dette excédant 60% de la valeur taxable sera admise en déduction.

     « III. – Lorsque la valeur des biens ou droits immobiliers et des parts ou actions taxables excède 5 millions d’euros et que le montant total des dettes admises en déduction en application des I et II au titre d’une même année d’imposition excède 60 % de cette valeur, le montant des dettes excédant ce seuil n’est admise en déduction qu’à hauteur de 50 % de cet excédent. »

Ainsi, pour un patrimoine immobilier de 20 millions d’euros, avec des prêts existants de 18 millions d’euros, les prêts ne seront admis en déduction que pour 15 millions d’euros [18 mln (prêts) – 50% x (18 mln – 60% x 20 mln (patrimoine immobilier brut)], soit un patrimoine net taxable à l’IFI de 5 millions d’euros. Un nouvel investissement de 2 millions d’euros, même financé en totalité par un prêt (non in fine), génèrera une base soumise à l’IFI de 400.000 euros, la déductibilité du prêt étant alors limitée à 80%. Dans la tranche d’un patrimoine net entre 5 et 10 millions d’euros, taxable à 1,25%, le plafonnement à 80% de la déductibilité des prêts représente un coût annuel d’IFI de 0,25% de la valeur brute de l’actif.

A noter l’absence de mécanisme de lissage quant au seuil de déclenchement de patrimoine immobilier brut. Ainsi un patrimoine immobilier de 6 millions d’euros avec une dette de 5 millions d’euros subit ce plafonnement : le prêt ne sera déductible qu’à hauteur de 4,3 millions d’euros [5 mln (prêts) – 50% x (5 mln – 60% x 6 mln (patrimoine immobilier brut)], soit un patrimoine net taxable à l’IFI de 1,7 millions d’euros (supérieur au seuil d’imposition de 1,3 millions d’euros).