Alors que notre patrimoine devient de plus en plus immatériel et invisible, apparait le risque d’une « immortalité » informatique des données personnelles, préjudiciable aux héritiers.
Le droit d’accès ou d’opposition aux identités numériques d’une personne après son décès sont complexes à mettre en œuvre, et quasiment impossible si le défunt n’avait rien organisé de son vivant.
Il est temps de se saisir de cette question et de consulter son notaire !
Malgré des évolutions juridiques récentes visant à mieux adapter les instruments juridiques à la transition numérique que connaît notre société, la question de la transmission des données personnelles et du patrimoine numérique présente aujourd’hui des enjeux juridiques et éthiques très importants, accrus par l’internationalisation des réseaux qui limite la portée des réponses du droit français.
1. La transmission des données personnelles : quels sont les enjeux ?
L’entrée dans l’ère du numérique et l’explosion d’internet a bouleversé nos vies et a fait naître de nouvelles interrogations et problématiques. Notre patrimoine qui était autrefois matériel et visible devient aujourd’hui de plus en plus immatériel et invisible.
Avec l’essor des réseaux sociaux et plus récemment de l’intelligence artificielle, on ne se pose plus simplement la question du sort du corps biologique du défunt mais également celle du sort de son identité numérique. En effet, avec internet, si rien n’est fait notre identité et notre personnalité numérique peuvent survivre indéfiniment, ce qui fait naître l’éventualité d’une « immortalité » informatique.
Cette immortalité peut porter préjudice à la famille du défunt qui souhaiterait faire définitivement son deuil, parfois éviter que des informations personnelles ou sensibles tombent dans de mauvaises mains et mettre fin à leur exposition.
2. La situation juridique actuelle
Le législateur français est donc intervenu, à travers la loi du 7 octobre 2016 « Pour une République numérique » afin de permettre à toute personne de régler à l’avance le sort de ses données personnelles après son décès.
En offrant la possibilité de transmettre, à son décès, ses données personnelles, le législateur fait naître deux situations :
- Le cas où aucune disposition n’est prise
- Le cas où des dispositions sont prises
Si aucune disposition n’est prise, le champ d’action des héritiers est relativement restreint. Les héritiers peuvent réclamer auprès des différents organismes un droit d’accès aux comptes du défunt s’il est nécessaire à l’organisation et au règlement de la succession, ainsi qu’un droit d’opposition afin de procéder à la clôture des comptes du défunt.
Néanmoins, si rien n’est fait par le défunt de son vivant, ces procédures sont souvent très fastidieuses et les résultats sont rarement satisfaisant. Il est par exemple quasiment impossible pour des héritiers d’obtenir la suppression définitive des comptes numériques du défunt. Le Conseil d’Etat a en effet affirmé dans une décision du 7 juin 2017 (10ème - 9ème chambres réunies, numéro 399446) que les héritiers ne peuvent se substituer au défunt dans l’exercice de ses droits personnels. Concrètement, cela signifie qu’il leur sera impossible de demander à un responsable de site de supprimer des données au nom du défunt. Par exemple, les réseaux sociaux tels Facebook refusent de supprimer définitivement le compte d’une personne décédée mais propose des alternatives afin de transformer le compte du défunt en « Mémorial ». Le compte existe toujours mais sous une nouvelle forme.
Une telle situation peut s’avérer très vite insatisfaisante. Les comptes numériques du défunt sont laissés à l’abandon et va apparaître le risque des tentatives de piratage. Les comptes du défunt pourraient ainsi tomber dans des mains mal intentionnées et les données numériques de ce dernier seraient alors vendues ou détournées.
Il est donc indispensable d’organiser de son vivant le traitement et la transmission de ses données personnelles après sa mort, dans un monde où chaque français utilise en moyenne activement une vingtaine de comptes numériques, où les réseaux sociaux continuent leur expansion et où le secteur du numérique continue sa croissance importante.
3. Le notaire : l’interlocuteur privilégié pour organiser la transmission de ses données personnelles
Le législateur a offert la possibilité à chacun d’entre nous d’organiser le transfert de nos données personnelles, mais n’a pas donné d’indications précises et concrètes sur la manière de le faire.
Dès lors, en l’absence de règles législatives précises, le notaire joue un rôle primordial dans la bonne transmissibilité des données numériques. Cela va notamment se matérialiser par la rédaction d’un testament au sein duquel le testateur d’une part désigne les ayants-droits de ses comptes numériques et d’autre part dans une annexe répertorie l’ensemble desdits comptes ainsi que les mots de passe qui y sont liés afin de faciliter au mieux le sort de ses données.
Divers organismes privés ont également mis en place des services de gestion des données post-mortem permettant de stocker l’ensemble des informations sur « coffre-fort » numérique. Le défunt peut inscrire dans son testament sa « clef numérique » permettant l’accès à l’ensemble de ces données. La personne de confiance sera ainsi habilitée juridiquement pour mettre en œuvre les directives du défunt.
Le notaire assiste également le testateur (et les héritiers lors du règlement de la succession) dans la valorisation de son patrimoine numérique. En effet, certaines données numériques ont une valeur économique, il ne faudrait donc pas que leur transmission engendre un déséquilibre trop important entre les différents héritiers et puisse méconnaître le principe fondamental de la réserve héréditaire.
Ainsi, au vu de l’ensemble des problématiques que soulèvent tous ces sujets, l’Etude LETULLE est là pour vous conseiller et vous accompagner dans l’ensemble de vos projets.
05/11/2024 Anatole BORY