Il peut arriver qu’une donation soit régularisée à l’étranger, selon les règles de forme et/ou de fond d’un droit étranger.
Un acte fait à l’étranger, même notarié, n’a pas fiscalement « date certaine » et n’est pas opposable à l’administration fiscale française.
Si le lien avec la France est susceptible d’évoluer (retour en France des donateurs et/ou donataire(s) par exemple), il est conseillé de porter, sans délai, à la connaissance de l’administration fiscale française toutes donations réalisées à l’étranger et ce, même en l’absence de toute taxation en France.
Deux conséquences majeures s’ensuivront :
Faire courir les délais de prescription et de rappel fiscal,
Ecarter la présomption de propriété de l’usufruitier en cas de décès.
1. Validité en France d’une donation régularisée à l’étranger
Le droit international privé français fait application en matière de donation simple des dispositions du règlement européen n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
Du point de vue de sa forme, une donation est régie par le droit local.
Du point de vue du fond, les parties peuvent choisir la loi applicable au contrat de donation. A défaut, il s’agit de la loi de la résidence habituelle du donateur ou, si la donation porte sur un immeuble, de la loi du lieu de situation de l’immeuble.
Il est donc possible qu’une donation, sous réserve de la réglementation propre aux immeubles, soit régularisée selon les règles de fond et de forme d’un droit étranger.
2. Non opposabilité à l’administration fiscale française d’une donation régularisée à l’étranger
Le droit français reconnaît les donations faites à l’étranger. En revanche, un acte fait à l’étranger, même notarié, n’a pas date certaine aux yeux de l’administration fiscale française (NOI-ENR-DG-20-10-20120912 n° 180) et ne lui est pas opposable.
Si aucune des parties ne vient à prendre, dans le futur, la qualité de résident fiscal français, ou si aucune des parties n’entend utiliser une partie de la somme donnée en France, il n’est pas utile de procéder à cette formalité dès lors que la donation n’est pas taxable en France.
Toutefois, il est conseillé, aux individus dont la situation personnelle et géographique pourrait amenée à évoluer, de déclarer aux services fiscaux français la donation faite à l’étranger, même si cette donation n’est pas imposable en France, et ce pour lui donner date certaine.
3. Avantages de la déclaration à l’administration française de la donation régularisée à
l’étranger
La déclaration en France de la donation régularisée à l’étranger a deux conséquences majeures :
Faire courir les délais de prescription et de rappel fiscal (article 784 CGI)
Ecarter la présomption de propriété de l’usufruitier en cas de décès (article 751 CGI)
3.1. Faire courir les délais de prescription et de rappel fiscal
Faire enregistrer en France la donation réalisée à l’étranger permet de lui donner fiscalement date certaine.
Cette date permet dès lors de donner un point de départ :
au délai de prescription de 15 ans en matière de mutation à titre gratuit,
au délai de 15 ans du rappel fiscal prévu par l’article 784 du Code général des impôts : « les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte de donation ou de succession, s’il existe ou non de donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l’affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l’enregistrement de ces actes. »
Exemple : Arthur, français, donne 100.000 € à sa fille, Lola, qui est domiciliée comme lui en Australie. Aucune formalité n’est effectuée en France, où cette donation n’est pas taxable.
Il revient quelques années après vivre, seul, en France où il décède 18 ans plus tard.
Lola hérite d’un immeuble en France dont son père était propriétaire.
La succession est imposable en France, à défaut de convention franco-australienne en matière de succession.
Lola peut-elle bénéficier de l’abattement de 100.000 € applicable tous les 15 ans en matière de mutation à titre gratuit entre parents et enfants ?
La preuve de la date de la donation ne peut pas être rapportée de façon certaine. L’administration fiscale française peut exiger le rappel de cette donation et l’abattement de 100.000 € pourrait alors ne pas être pris en compte pour le calcul des droits de succession s’il doit être utilisé pour la donation.
3.2. Ecarter la présomption de pleine-propriété en cas de décès
L’article 751 du Code général des impôts répute faire partie fiscalement de la succession de l’usufruitier,tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété à l’unde ses présomptifs héritiers, à moins qu’il y ait eu donation régulière et que cette donation ait étéconsentie plus de trois mois avant le décès.
Faire enregistrer en France la donation réalisée à l’étranger permet de lui donner date certaine et d’apporter la preuve contraire à la présomption de l’article 751 CGI.
Exemple : Arthur et Lola, sa fille de 22 ans, résident en Australie. L’entreprise de Arthur est prospère et il décide d’investir avec sa fille dans l’achat d’un appartement en France en démembrement de propriété. Arthur achète l’usufruit et Lola, au moyen d’une somme d’argent que lui a donnée son père, la nuepropriété. Cette donation a été effectuée en Australie et n’a pas été déclarée en France. Arthur a pensé que cette formalité était inutile puisque cette donation n’était pas taxable en France. Arthur décède en France où il est finalement retourné vivre. La donation de somme d’argent faite à Lola aurait permis d’apporter la preuve contraire à la présomption de l’article 751 CGI si elle avait eu date certaine. Or, comme elle n’a pas été enregistrée en France, il y a un risque qu’elle ne puisse pas être prise en compte et l’immeuble sera considéré comme dépendant en son entier de la succession du père et taxé en conséquence.
Si le lien avec la France est susceptible d’évoluer (retour en France des donateurs et/ou donataire(s) par exemple), il est conseillé de prendre contact avec son notaire et de porter, sans délai, à la connaissance de l’administration fiscale française toutes donations réalisées à l’étranger.
13/09/2018