Contrat de mariage et common law : quelles précautions ?

Le droit français, diffère sur de nombreux points des pays de Common Law, ce qui se reflète notamment en matière matrimoniale.

  • Le notaire français ne peut pas garantir l’efficacité d’un contrat de mariage français, devant un juge du Common Law, même si le formalisme spécifique est respecté ;

  • La décision d’un juge étranger saisi dans le cadre d’un divorce et écartant le contrat de mariage français, sera efficace en France et pourrait contredire la répartition des biens telle qu’initialement souhaitée par les époux au moment de leur contrat de mariage français.

Quelles précautions ?

Bien que le règlement européen n°1103/2016 permette aux époux ou futurs époux de soumettre leur régime matrimonial à la loi de l’Etat de résidence habituelle de l’un d’eux ou à la loi nationale de l’un deux, le notaire français recevant un contrat de mariage en France entre des époux de nationalité française ou encore franco-américaine/britannique/australienne/canadienne etc ne peut pas garantir l’efficacité du contrat de mariage dans des pays de tradition de Common Law, si les époux partent s’y installer ou entretiennent des relations étroites avec ces ordres juridiques.

Il est indispensable que les époux aient connaissance des incompatibilités existant entre les deux systèmes de droit.

En effet, si une instance de divorce est initiée devant les juridictions d’un pays de Common Law, le juge pourrait écarter l’application d’un contrat de mariage de droit français et rendre un jugement de répartition des biens « en équité » selon ses principes propres peu importe les prévisions contractuelles de droit français des parties. Le juge pourrait notamment prendre en compte « des revenus et charges des parties, des conséquences des choix communs faits pendant le mariage, ainsi que des éléments constants du train de vie des époux » pour répartir les biens.

La Cour de Cassation française a récemment validé l’application en France d’un jugement de divorce américain écartant le contrat de mariage signé en France: un arrêt du 2 décembre 2020 (Chambre civile 1, 18-20.691) tire les conséquences du refus de reconnaissance d’un contrat de droit français par un juge américain et reconnaît l’application, en France, d’une décision du juge américain considérant qu’« une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d'espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. »

Selon votre situation personnelle - nationalité(s), résidence au moment de l’union ou au moment de l’établissement de la désignation de loi applicable -, vos projets ou encore la localisation de vos actifs, nos notaires vous accompagnent pour :

  • Assurer le respect du formalisme nécessaire à la reconnaissance d’un contrat de mariage, en la forme ;

  • Vous assister s’il est nécessaire de réitérer votre contrat de mariage par un prenuptial/postnuptial agreement ;

  • Anticiper les conséquences d’un divorce (loi applicable, prestation compensatoire).

Formalisme : il est essentiel de respecter le formalisme français (acte authentique reçu par un notaire), si l’un des époux a sa résidence habituelle en France ou dès lors que la loi française est désignée comme applicable. L’authenticité devra se conjuguer avec le formalisme des pays du Common Law :

  • L’assistance de chacun des époux par un conseil indépendant

  • L’établissement d’un inventaire des biens des époux

  • Le respect d’un délai de réflexion entre la remise d’un projet de contrat de mariage et le mariage des époux.

Toutefois, malgré ces précautions de forme, le juge étranger reste libre d’écarter un contrat de mariage reçu en France.

Réitération : il peut être pertinent pour des époux ayant des projets d’expatriation, de réitérer leur contrat de mariage par un postnuptial agreement dans le pays où ils envisagent de s’installer. Le notaire français pourra travailler en synergie avec un professionnel local pour reprendre les termes du contrat de mariage au sein du postnuptial agreement, et éviter toute contradiction entre les deux contrats.

Anticipation : en plus des conséquences d’un éventuel divorce sur la répartition des biens (conséquences du régime matrimonial choisi), les époux ont la faculté de choisir :

  • La loi applicable pour le prononcé du divorcé, choix limité aux causes du divorce (Règlement n° 1259/2010). Ils ne peuvent toutefois pas décider à l’avance du juge qui sera compétent pour statuer sur un éventuel divorce.

  • La loi applicable aux conséquences alimentaires (Protocole de La Haye du 23 novembre 2007), et le juge compétent pour se prononcer sur cette question (Règlement n° 4/2009).

    L’anticipation est cependant à nuancer :

  • Ces choix de loi ne sont pas opposables en dehors des pays signataires des règlements précités ;

  • Le prenuptial agreement qui prévoirait d’exclure toute prestation compensatoire ne serait pas reconnu sur ce point, devant une juridiction française, si le créancier potentiel d’une prestation compensatoire réside en France, même si les époux ont désigné une loi étrangère qui le permettrait. En effet, en droit français, il est interdit aux époux, en dehors de toute instance en divorce, de statuer sur leur droit futur à une prestation compensatoire.

Face à ces difficultés de conjuguer les deux ordres juridiques, il est essentiel d’être conseillé par des professionnels des Etats concernés afin d’anticiper les conséquences d’une expatriation sur la situation patrimoniale des époux. Outre les pays de Common Law, chaque situation liant des ordres juridiques différents nécessite une double analyse juridique.

L’équipe de droit international de LETULLE NOTAIRES, accompagnée des professionnels internationaux, vous accompagne dans cette démarche.

                                                                                                                                                                                                            

02/07/2024 Gersende Rouet & Anatole Bory

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