Compte tenu de sa popularité, les acquéreurs s’interrogent fréquemment sur l’opportunité d’avoir recours à une SCI. Si la réponse est de prime abord positive tant ce schéma de détention possède des avantages indéniables, elle sera à nuancer lorsque le projet portera sur une résidence principale.
A tout le moins, les futurs associés doivent pleinement comprendre ses implications.
1. Un outil attractif
Une gestion anticipée
A défaut d’acheter au travers d’une société, la pluralité d’acquéreurs ou de propriétaires implique une situation d’indivision, qui, en cas de mésentente ou désaccord, s’avère relativement contraignante. En effet, sauf mesures conservatoires, urgence, ou les exceptions listées à l’article 815-3 du Code civil, l’indivision exige une majorité des 2/3 pour fonctionner et l’unanimité pour vendre. Sans elle, les indivisaires devront avoir recours à un juge pour que leur situation soit débloquée, ce qui peut déclencher des délais et coûts. L’aléa ne porte d’ailleurs pas que sur la vente, parfois au contraire un indivisaire souhaite sortir, en demandant le partage ou la vente du bien indivis. La convention d’indivision est par essence à durée limitée et courte.
Avec le recours à une SCI, les futurs associés pourront anticiper et orchestrer le traitement de chaque schéma, qu’il s’agisse de la revente, d’une transmission ou d’une cession de parts aux travers de ses statuts. Par la suite, ils ne pourront alors que se plier au processus institué sauf à se lancer dans une modification statutaire, ce qui évitera les situations de paralysie et le recours au juge.
Par conséquent, le recours à société est une bonne solution pour des époux séparés de biens, des partenaires pacsés ou encore des concubins afin d’éviter les incertitudes de l’indivision. La SCI permet également d’entamer une transmission patrimoniale en gardant le contrôle total des biens détenus par la SCI.
Aussi, le choix de la SCI n’affecte pas le futur du bien : en cas de revente, les acquéreurs pourront tout à fait choisir d’acquérir le bien en direct sans être contraints de racheter les parts sociales ; quoique cela puisse constituer une option intéressante dans certaines hypothèses.
Une mise en place simple et sans surcoût
Une fois les statuts signés, la société est née. Il convient ensuite d’en déposer une copie au greffe du tribunal de commerce et d’effectuer les formalités peu lourdes et relativement rapides d’immatriculation et de publicité pour que la société ait la personnalité morale et qu’il soit fait part de cette naissance aux tiers.
Outre ses frais de création, une acquisition via SCI n’entraine aucun surcoût fiscal par rapport à une acquisition en direct. La mise en SCI post acquisition, via l’apport d’un bien détenu en direct, reste possible mais implique la publication au fichier immobilier d’un acte notarié et engendre a fortiori des frais supplémentaires.
Un moyen de détention efficace
La détention indirecte via une SCI n’exclut pas la possibilité pour ses associés de bénéficier de certains des avantages fiscaux que dans la détention directe. Par exemple, l’exonération d’impôt sur la plus-value immobilière pour durée de détention ou par la vente de sa résidence principale s’appliquera tout autant. L’associé dont le bien sera effectivement la résidence principale sera exonéré à hauteur de son pourcentage de détention dans le capital social, à condition que la mise à disposition du bien lui ait été consentie à titre gratuit.
La SCI est également un moyen de transmission très efficace car la valorisation des parts transmises tiendra compte d’un emprunt en cours, contrairement à la transmission de biens détenus en direct. Par conséquent, pour une même proportion de plus-value future sur la pierre transmise, le coût fiscal de la donation sera considérablement réduit et pourra d’ailleurs l’être d’autant plus si elle est faite en démembrement. Il conviendra toutefois de s’assurer que les usufruitiers ne se retrouvent pas gênés par les nus-propriétaires dans leur gestion ou volonté de revente le cas échéant et adapter les statuts quant au pouvoir décisionnel, ce d’autant plus lorsqu’il s’agira d’une résidence principale.
A noter concernant l’entrepreneur individuel : si avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 celui-ci devait avoir à l’esprit qu’une détention indirecte via une SCI faisait échec à la protection légale de sa résidence principale et au recours à la déclaration notariée d’insaisissabilité, désormais, ses biens immobiliers, détenus directement ou indirectement, sont à l’abri du droit de suite de ses créanciers professionnels tant qu’ils ne sont pas affectés à un usage professionnel.
2. Points d’attention
Du point de vue civil
La SCI ne devra pas être fictive et donc sa vie sociale bien réelle avec des assemblées générales annuelles, leur formalisme, et un suivi comptable. Comme dotée d’une personnalité distincte de celle de ses associés, il conviendra pour ces derniers de maintenir une étanchéité nette entre leurs patrimoines et celui de la société quoiqu’il s’agisse d’une société créée entre membres d’une même famille. Pour pallier à tout écueil, une solution est le recours à un comptable professionnel. Son assistance permettra d’ailleurs également de gérer les comptes courant d’associés dont le suivi à tendance à se perdre au fil des ans tandis que l’anticipation de leur traitement est essentielle en termes de transmission.
La protection du conjoint est également susceptible d’être mise à mal car l’article 215 alinéa 3 du Code civil relatif à la protection du logement de la famille et les articles 763 et 764 du même code relatifs aux droits temporaire et viager du conjoint survivant n’ont vocation à s’appliquer que dans le cadre d’une détention en direct. L’on va en effet au bout du raisonnement de la personnalité distincte de celle de ses associés ; le bien n’étant pas la propriété du conjoint/défunt, ces protections ne peuvent s’appliquer. A noter toutefois qu’un moyen de palier à l’écueil de la protection du logement de la famille et du conjoint est la mise en place d’un contrat de bail entre la société et les époux ou la formalisation d’une convention de mise à disposition de l’appartement par la SCI au profit de ses associés.
Du point de vue fiscal
Un désavantage notable de la détention de sa résidence principale au travers d’une SCI est que cette forme de détention ne permet pas de bénéficier de l’abattement légal de 30% de sa valeur pour l’impôt sur la fortune immobilière. Compte tenu de cette perte d’économie d’impôt, les particuliers ayant d’ores et déjà franchi le seuil d’imposition s’interrogeront donc sur l’opportunité de ce mode de détention
De même, pour l’abattement légal de 20% sur la valeur de la résidence principale lors de l’ouverture d’une succession, qui est cependant peu apprécié compte-tenu de son effet en termes de plus-value.
En conclusion, si la détention d’un bien au travers d’une SCI dispose d’avantages indéniables en termes de gouvernance et de transmission, l’opportunité de ce mode de détention est moins évidente pour les résidences principales que pour des résidences secondaires ou des biens d’investissement locatif.
07/12/2022 Pauline-Alexia Palombo