Vers une copropriété plurielle ?

  • Limitation aux immeubles d’habitation du caractère obligatoire de la copropriété. Liberté d’organisation pour les autres immeubles.
  • Simplification des règles pour les « petites copropriétés ».

La loi Elan du 23 novembre 2018 (loi n° 2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) a habilité le gouvernement à agir par ordonnance pour modifier la loi du 10 juillet 1965, afin de « redéfinir le champ d’application et adapter les dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis au regard des caractéristiques des immeubles, de leur destination et de la taille de la copropriété ».

Dans le cadre de cette mission, l’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019, applicable depuis le 1er juin 2020, apporte deux innovations importantes :

La première concerne l’organisation structurelle de la copropriété en en modifiant le champ d’application ; la seconde, l’organisation fonctionnelle de la copropriété en simplifiant le régime de la copropriété pour les « petites copropriétés ».

 

1° – Le champ d’application du statut de la copropriété

1.1 – Avant le 1er juin 2020

Jusqu’au 1er juin 2020, l’article 1er de la loi de 1965, posait comme principe que tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis était régi par le droit de la copropriété sauf le cas de l’ensemble immobilier pour lequel une organisation différente pouvait être adoptée. L’ensemble immobilier était défini comme celui qui « outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l’objet de droits de propriété privatifs. »

La notion d’ensemble immobilier a été très discutée ; la volumétrie et le lotissement relèvent de cette qualification.

La destination de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier n’était aucunement pris en compte pour soumettre ou non ces derniers au statut de la copropriété.

L’ordonnance revient sur les principes ainsi établis en modifiant l’article 1er de la loi de 1965 : seuls les immeubles en tout ou partie à usage d’habitation y sont désormais soumis de droit. 

 

1.2 – Depuis le 1er juin 2020

Dorénavant pour qu’un immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis divisé en lots entre plusieurs personnes (critère antérieur repris) soit obligatoirement soumis au statut de la copropriété, il faut que celui-ci soit totalement ou partiellement à usage d’habitation. C’est l’innovation majeure de l’ordonnance. La copropriété et ses règles protectrices ne concernent que l’immeuble ou le groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation.

La notion de division par « lots » s’entend, comme avant, d’une division par « lots de copropriété » (ce qui relève quelque peu du pléonasme). Il ne peut s’agir d’un lot de lotissement !

Le caractère facultatif du statut de la copropriété concerne toujours les ensembles immobiliers entendus comme ci-dessus.

Mais dorénavant, il sera facultatif aussi pour les immeubles hors habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes (ce qui rendait antérieurement ces immeubles obligatoirement soumis au statut, puisque ne constituant pas un ensemble immobilier), sous réserve toutefois, précise la loi, que soit mise en place une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs.

Les immeubles hors usage d’habitation ne sont donc pas de droit soumis au statut de la copropriété ; ils n’ont plus à être des ensembles immobiliers pour échapper au statut. Ainsi il pourra être adopté un régime autre que la copropriété pour les immeubles de bureaux ou encore les centres commerciaux sans se préoccuper du fait qu’ils soient ou non un ensemble immobilier.

Hors le cas classique d’immeubles gérés dans le cadre d’une ASL, il reste à déterminer à quelle autre « personne morale suffisamment structurée » pourra-t-on avoir recours. Les auteurs considèrent que cette personnalité morale pourra être un syndicat des copropriétaires qui pourrait adopter un règlement de copropriété purement conventionnel, écartant les règles impératives de la loi de 1965.

La loi précise enfin que les immeubles antérieurement soumis obligatoirement au statut de la copropriété peuvent adopter, à l’unanimité, par convention une organisation alternative.

2° – Des simplifications pour les petites copropriétés.

Les dispositions applicables aux petites copropriétés figurent au chapitre IV de la loi de 1965 (article 41-8 à 41-23). Pour répondre au grief fait à la loi de 1965 de n’avoir établi qu’un statut unique de la copropriété applicable à la fois aux grands ensembles et aux petits immeubles, l’ordonnance institue des règles dérogatoires pour les petites copropriétés.

2-1 – Simplification du formalisme décisionnel dans les petites copropriétés

Les petites copropriétés sont celles :

(i) de 5 lots ou moins à usage de logements, de bureaux ou de commerces,

(ii) ou dont le budget prévisionnel moyen du syndicat des copropriétaires sur une période de 3 exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros.

Il est dorénavant permis, dans ces petites copropriétés, d’arrêter une décision par écrit, ou à l’occasion d’une réunion, sans convocation ni tenue d’une assemblée générale, dès lors qu’elle est prise à l’unanimité des copropriétaires. Cette mesure ne supprime pas toutefois l’assemblée générale annuelle.

2.2 – Modification des règles de vote dans les copropriétés à deux

Antérieurement, une copropriété à deux impliquait l’unanimité pour toutes les décisions, quel que soit le poids relatif des deux copropriétaires.

Désormais les décisions de l’assemblée relevant en principe de l’article 24 peuvent être prises par le copropriétaire détenant plus de la moitié des voix, et celles relevant de l’article 25 seront prises par le copropriétaire détenant au moins deux tiers des voix. En tout état de cause, chaque copropriétaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation de l’immeuble en copropriété, même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence. Et les deux copropriétaires peuvent se réunir sans convocation préalable et prendre toutes décisions.

Un copropriétaire peut être autorisé judiciairement à passer seul un acte pour lequel le consentement de l’autre copropriétaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun. L’acte est alors opposable au copropriétaire dont le consentement a fait défaut.

L’aliénation d’une partie commune peut être autorisée judiciairement à la demande d’un copropriétaire disposant d’au moins deux tiers des tantièmes, dans les conditions de l’article 815-5-1 du code civil.

                                                                                                                                                                                                            

22/09/2020 Michel THOMAS

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