Pourquoi et dans quels cas avoir recours à un testament-partage ?

– Le recours à un testament-partage permet au testateur d’imposer un partage de ses biens à ses héritiers, pour éviter notamment les chausses-trappes de l’indivision successorale.

– Pour le gratifié, renoncer à son attribution emporte renonciation à la succession.

– Le testateur ne peut tester qu’au profit de ses enfants et descendants de degrés différents, et les biens communs sont exclus de ce dispositif.

– Au moment du décès, les gratifiés seront soumis, en plus des droits de mutation à titre gratuit, au droit de partage, qui s’élève actuellement à 2,5% de la valeur des biens transmis. 

Monsieur et Madame Martin sont tous deux nonagénaires. Ils laissent à leur descendance trois fils et de nombreux petits-enfants.

Ils disposent chacun séparément d’un patrimoine très confortable. Monsieur Martin, industriel, a vendu son entreprise il y a quinze ans, et dispose depuis d’une assise financière. Quant à Madame Martin, toute sa vie, elle a été gestionnaire d’un patrimoine immobilier important, reçu au décès de son père, disparu alors qu’elle n’avait que vingt ans.  

Très préoccupés par les mésententes entre leurs enfants, particulièrement jaloux de leur réussite respective, ils craignent que leur succession future et la répartition de leur patrimoine ne fassent qu’attiser les rancœurs fraternelles.

Ils viennent nous consulter, exprimant un souhait : assurer une transmission de leurs biens de façon pérenne au jour de leur mort.

**Les avantages du recours au testament-partage**

Un testateur ne peut avoir recours à un testament-partage que s’il souhaite allotir ses enfants et autres descendants de degrés différents. Disposer en faveur d’un tiers, y compris son époux, exclut le recours au testament-partage.

Ainsi, si le testateur souhaite allotir exclusivement ses descendants, le recours à un testament-partage lui permet :

         d’organiser un partage de ses biens entre ses descendants

Le testateur forme des lots dans son patrimoine et les attribue à sa convenance à ses descendants. A son décès, chacun de ses enfants est donc alloti divisément. Cela permet d’éviter les situations d’indivision successorale qui sont sources de blocage et de conflits pour des héritiers en discorde.

         d’imposer un partage de ses biens à ses descendants

C’est ici là toute la différence entre un testament classique contenant des legs d’attribution et un testament partage. Aux termes d’un testament contenant legs d’attribution, chacun des enfants cumule sa vocation de légataire et sa vocation légale d’héritier. Ainsi si les attributions ne lui conviennent pas, il peut y renoncer et venir à la succession en qualité d’héritier légal.

En revanche, le fait pour un enfant de renoncer à un testament-partage implique nécessairement de renoncer à la succession et donc à sa qualité d’héritier. Le testament-partage ne permet pas de différer la qualité de légataire de celle d’héritier, le partage est donc imposé aux héritiers.

**Peut-on répartir ses biens de façon inégalitaire ? **

En toute confidentialité, Madame MARTIN l’admet : Arthur est son préféré. Seul lui dispose des qualités requises pour ne pas dilapider son patrimoine. Elle souhaiterait donc l’avantager, et lui attribuer un immeuble, dont la gestion est particulièrement ardue. Cet immeuble est l’un des principaux actifs composant son patrimoine.

Quant à Monsieur Martin, il souhaite conserver au maximum une équité entre ses enfants.

Un testateur peut tout à fait procéder à un partage inégalitaire. Un testament-partage n’impose nullement de s’en tenir à la vocation légale.

Attention néanmoins, chaque enfant dispose d’une réserve héréditaire dans la succession de son auteur. Si sa réserve héréditaire est atteinte, il est alors parfaitement fondé à agir en réduction de la libéralité de celui qui a été avantagé.

Ainsi, celui qui aurait reçu plus que sa réserve héréditaire et tout ou partie de la quotité disponibilité devrait alors compenser ses frères par le biais d’une indemnité, en principe une somme d’argent.

Enfin, un testament, qu’il soit ordinaire ou qualifié de testament-partage, ne peut jamais être conjonctif, c’est-à-dire pris conjointement par deux époux.

Cela implique qu’il n’est pas possible de répartir avec son époux de façon confondu, l’ensemble de son patrimoine. En effet, le calcul opéré pour constater l’atteinte à la réserve héréditaire est calculé aux termes de chaque succession. C’est en cela d’ailleurs que si les époux étaient mariés sous le régime de la communauté, seuls leurs biens propres pourraient faire l’objet d’un testament-partage, les biens communs sont exclus de ce dispositif.

**Testament-partage transgénérationnel**

Monsieur Martin a conscience que ses fils ne sont plus de toute jeunesse, et que ses petits-enfants ont des besoins plus prégnants. Il envisage, pour une partie de son patrimoine, de sauter une génération.

Il est tout à fait possible de gratifier ses petits-enfants aux termes d’un testament-partage. Cependant, les petits-enfants ne peuvent être gratifiés qu’à hauteur de la quotité disponible.

Contrairement à une donation-partage, le testament-partage ne permet pas aux enfants du testateur de consentir à ce que leurs propres enfants soient allotis en leur lieu et place sur leur part de réserve.

**Fiscalement**

Au jour de l’ouverture des successions, les descendants gratifiés seront, en plus des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe, dits droits de succession, soumis à un droit de partage de 2,50 % calculé sur l’ensemble des biens partagés.

** Inconvénients du testament-partage par rapport à la donation-partage**

Il est possible de recourir du vivant au même procédé, c’est ce qui s’appelle la donation-partage.

La donation-partage présente de multiples avantages.

D’un point de vue civil :

         La donation-partage, contrairement au testament-partage, peut être consentie, de façon conjonctive par des époux et porter sur des biens communs. Ainsi, il est possible d’allotir un enfant d’un bien provenant exclusivement d’un des deux parents, et considérer qu’il le tient de ses deux auteurs.

         La donation-partage facilite les transmissions transgénérationnelles puisque chaque enfant peut intervenir à l’acte de donation pour consentir à ce que ses propres enfants soient allotis en ses lieu et place sur sa part de réserve, là où le testament-partage ne permet d’allotir ses petits-enfants que dans la limite de la quotité disponible.

 

Fiscalement :

         Contrairement au testament-partage, la donation-partage est exempte du droit de partage.

         Anticiper la transmission de son patrimoine par des donations-partages permet de bénéficier du renouvellement des abattements et tranches basses d’imposition (tous les quinze ans compte tenu de la législation actuellement en vigueur). Cela permet aussi de donner de la nue-propriété et de réduire en conséquence l’assiette d’imposition de la valeur de l’usufruit retenu.

 

**Conseils rédactionnels**

La différence entre un testament-partage et un testament contenant de simples legs d’attribution est particulièrement délicate. Pour éviter les difficultés d’interprétation et erreurs de qualifications, il est recommandé de se rapprocher de son notaire qui proposera alors un projet de testament parfaitement circonstancié.

**En bref**

Le testament-partage permet d’imposer un partage du patrimoine successoral, sous l’impulsion de son auteur, aux héritiers. Ce testament-partage permet de pérenniser un patrimoine à des générations futures en évitant les situations de blocages et de discordes qui peuvent naître de l’indivision successorale. 

Le testament-partage n’est en revanche pas exempt d’inconvénients, tant civils que fiscaux, c’est pourquoi il est souvent recommandé de recourir à une donation-partage quand les donateurs ne sont pas opposés à donner de leur vivant.

                                                                                                                                                                                                                      

31/03/2020  Gersende Rouet 

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