La récente apparition des actifs numériques comme la cryptomonnaie ou les NFT vient perturber la reconstitution et la transmission du patrimoine des personnes physiques, notamment à leur décès. Le législateur n’ayant pas encore prévu de solides moyens de transmission de ces biens, le testament mystique semble être le support idéal…
Ces dernières années, l’émergence des cryptomonnaies et des NFT (« Non Fungible Token » ou jetons non fongibles) a décuplé la propriété immatérielle. Ces actifs numériques s’intègrent dans le patrimoine des personnes physiques ou morales, dont ils peuvent constituer une valeur importante.
Peu encadrée juridiquement, la transmission par décès de ces actifs s’avère parfois difficile. En l’absence de communication des identifiants et autres codes numériques permettant d’y accéder, ce patrimoine « virtuel » peut disparaître au décès de son propriétaire, privant les héritiers d’un capital souvent non négligeable.
En outre, ces actifs immatériels peuvent s’acquérir avec une identité numérique distincte de l’identité civile d’une personne. Ce particularisme, créant un semblant d’anonymisation civile des propriétaires d’actifs virtuels, complexifie la reconstitution du patrimoine d’une personne lors de son décès. En effet, la preuve de la propriété sous une identité numérique peut d’avérer particulièrement ardue, créant une insécurité juridique sur laquelle le législateur ne s’est pas encore penché.
En attendant une clarification législative, le 117ème Congrès des Notaires en 2021 ayant pour thème « Le numérique, l’homme et le droit. Accompagner et sécuriser la révolution digitale » préconise le recours au testament mystique pour transmettre des actifs numériques, répondant en partie aux problématiques soulevées ci-dessus.
Le testament mystique présente l’intérêt de pouvoir être dactylographié et l’avantage de la discrétion.
Contrairement au testament olographe devant impérativement être rédigé à la main par le testateur, le testament mystique peut être dactylographié, permettant la reproduction sans erreur des identifiants, codes d’accès, clés de déchiffrement, etc. Il s’agit bien souvent de longues suites de chiffres et lettres qu’il serait risqué de recopier manuscritement sans erreur.
Le testateur n’a plus qu’à préciser le ou les légataires ou bénéficiaires de tel ou tel de ses actifs numériques dans ce testament dactylographié, puis à le dater et le signer.
Puis, le testateur déclare au notaire, assisté de deux témoins, vouloir lui remettre son testament, confirmant qu’il est bien l’expression de sa volonté et qu’il en est le signataire. Le contenu n’est pas lu par le notaire devant les témoins, contrairement au testament authentique. Le notaire procède alors à la mise sous pli scellé et cacheté du testament, devant les témoins et le testateur, puis tous signent un acte de suscription figurant sur l’enveloppe cachetée, confirmant la date, le lieu et le bon déroulement de ces opérations.
Ce processus permet de garder entièrement secrets les moyens d’identification et d’accès aux actifs numériques du testateur.
L’inscription de ce testament au fichier central des dispositions des dernières volontés consulté à chaque décès par les notaires, est gage de sécurité pour le testateur, qui a l’assurance de l’ouverture de son testament à son décès et de la bonne transmission de ses actifs numériques à ses légataires.
Attention tout de même car la forte confidentialité attachée à ce testament empêche le notaire de prendre connaissance de son contenu et d’apporter des conseils rédactionnels éclairés à son client. Le principal risque est ainsi que, par un manque de clarté, le testament soit sujet à interprétation ou ne puisse pas produire les effets escomptés.
Consulter son notaire préalablement à la rédaction de son testament mystique limitera ce risque !
08/09/2022 Augustin Bavière et Marie-Hélène Girot
