La liquidation du régime de séparation de biens en cas de divorce

  • Quelles solutions patrimoniales s’offrent aux époux séparés de biens qui envisagent de divorcer : vendre, partager ou conserver les biens indivis ? A quel coût ?
  • Les opérations de liquidation d’un régime de séparation de biens sont accomplies par le notaire. Elles consistent à identifier les droits de propriété de chacun des époux sur les biens possédés en indivision, à établir les éventuels comptes d’indivision, à identifier les éventuelles créances entre époux.
  • Certaines modalités d’exécution de la prestation compensatoire peuvent être intégrées dans la liquidation du régime matrimonial rédigée par le notaire.
  • La contribution aux charges du mariage et la donation rémunératoire sont deux mécanismes de neutralisation des créances entre époux.

1. Liquider les indivisions entre les époux

Il s’agit de régler le sort des biens acquis ensemble par les époux, quelles que soient les quotités de détention
spécifiées dans les actes d’acquisition (50/50, 30/70, 10/90, etc.)

1.1. En présence d’indivisions immobilières : trois solutions sont possibles, applicables globalement à tous les biens indivis (tous les biens font l’objet d’un partage ou tous sont vendus, par exemple) ou distinctement à chaque bien indivis (l’un est vendu, les autres sont partagés, par exemple) :

1.1.1 La vente du ou des biens à un tiers et la répartition du prix entre les époux conformément à leurs quotités de détention figurant dans l’acte d’achat. Une telle répartition, à condition qu’elle fasse l’objet d’une clause dans l’acte de vente et qu’elle ne soit pas modifiée par l’établissement de comptes d’indivision (comptes destinés à réincorporer dans la répartition le coût des travaux acquittés par un seul des époux, ou encore des loyers encaissés par un seul des époux alors qu’ils revenaient aux deux) n’engendre à la charge des époux vendeurs aucun frais ni aucune fiscalité (pas de droit de partage), hormis un éventuel impôt sur la plus-value au taux de 36,2% avant abattements pour durée de détention
en cas de vente d’un bien ne constituant pas la résidence principale.

L’administration fiscale précise en outre dans sa base de données (BOFIP), qu’aucun droit de partage ne sera exigé si cette vente est mentionnée ultérieurement dans un nouvel acte comme une convention ou un jugement de divorce.

1.1.2 Le partage notarié des biens indivis contenant détermination des droits respectifs de chacun sur les biens et les dettes qui y sont attachées, établissement des comptes d’indivision (c’est à dire la prise en compte des dépenses exposées et/ou des recettes encaissées par un époux dans des proportions autres que celles spécifiées dans l’acte d’achat), puis attribution de tels biens et dettes à un époux, de tels autres à l’autre époux, ainsi que le versement éventuel d’une soulte par celui qui a un montant d’attribution supérieur à sa part, au profit de celui dont la part est incomplète. Cet acte notarié contenant partage engendre un coût total de l’ordre de 3,5 % TTC de la masse brute globale partagée (incluant notamment le droit de partage dû au Trésor public au taux de 2,5% de l’actif net partagé c’est-à-dire de l’actif moins les dettes). Aucun impôt sur la plus-value n’est engendré par l’acte de partage.

Hypothèse des prêts en cours : Si des prêts en cours de remboursement doivent être compris dans l’acte de partage, et repris par un seul époux alors que les deux époux étaient co-emprunteurs ou cautions solidaires, il sera recommandé d’obtenir de l’établissement prêteur un accord de désolidarisation de l’autre époux. 

Hypothèse d’une prestation compensatoire : Si un bien est attribué à un époux, à charge pour lui d’acquitter une soulte, et que cet époux est par ailleurs créancier de la prestation compensatoire, il sera possible d’envisager conventionnellement un paiement par compensation de ces deux sommes.
Certaines prestations compensatoires peuvent consister dans la remise d’un bien, ou encore d’un droit d’usufruit ou encore d’un droit d’usage et d’habitation sur un bien immobilier, ce qui devra être constaté dans l’acte notarié et pourra engendrer un coût particulier.

1.1.3. La convention d’indivision est une solution d’attente, avant que les époux ne s’orientent soit vers la vente des biens indivis, soit vers le partage des biens indivis. Elle permet par exemple de maintenir le cadre de vie de l’épouse et des enfants mineurs, ou encore de s’organiser le temps de trouver un acquéreur lorsque le marché n’est pas propice à une vente rapide.

La convention d’indivision est un acte notarié fixant les règles de fonctionnement de l’indivision telles que convenues entre les époux, c’est-à-dire, pour l’essentiel : 

– Sa durée : Si la convention d’indivision a une durée de moins de 5 ans, les époux peuvent décider que cette convention bloque toute vente qui ne soit pas décidée d’un commun accord par les deux époux. Cela permet donc de sécuriser le lieu de vie de l’époux occupant les lieux durant 5 ans. Cette convention est obligatoirement publiée au service de publicité foncière pour être opposable aux tiers. Si la convention a une durée initiale indéterminée ou supérieure à 5 ans, elle ne bloquera pas une demande de mise en vente qui serait formulée unilatéralement par l’un des époux devant un juge.

L’occupation du bien : les époux devront décider soit d’une occupation exclusive soit d’une alternative par les époux ou par des tiers, décider si cette occupation est gratuite ou onéreuse. En cas d’occupation onéreuse, une indemnité d’occupation est due, correspondant à environ 70 à 80 % d’un loyer.

– Qui prend en charge, et dans quelles proportions, les dépenses d’entretien, les gros travaux, les dégradations du bien ? 

Qui est le gérant de l’indivision à l’égard des tiers et comment les indivisaires s’informent-ils mutuellement des décisions prises relatives à l’administration et la gestion du bien ?

Coût : environ 0,8 % T.T.C. de la valeur des biens objet de la convention.

Lorsque les époux décideront ultérieurement de partager les biens, l’acte de partage engendrera les coûts mentionnés au 1.1.2 .

En cas de vente de ces biens, les coûts seront ceux mentionnés au 1.1.1.

Bon à savoir : en cas de vente ultérieure, tant qu’un conjoint occupe les lieux à titre de résidence principale jusqu’à la vente, le régime d’exonération de la plus-value est applicable, et ce même pour l’époux ayant quitté le bien.

1.2. En présence d’indivisions mobilières : 

Sont notamment visés les meubles meublant acquis au cours du mariage par les deux époux ainsi que les comptes bancaires ou placement financiers ouverts au nom des deux époux.

Si les époux se partagent les comptes bancaires joints entre eux sans qu’il soit nécessaire d’en faire état dans un acte ultérieur, aucun coût particulier n’en résultera. En revanche, s’il est nécessaire d’inclure ces actifs indivis à l’acte de partage ou à la convention d’indivision, leur valeur s’ajoutera à la valeur des biens immobiliers objet de ces actes pour le calcul des frais (3,5% pour un partage, 0,8% pour une convention d’indivision).

Quant au partage des meubles meublants, même s’il est fait amiablement entre eux, une valeur forfaitaire devra nécessairement être indiquée soit dans l’acte notarié soit dans la convention de divorce pour servir d’assiette au droit de partage de 2,5% dû au Trésor public.

2. Régler les éventuelles créances pouvant exister entre les époux

2.1. Hypothèses de créances entre époux

Les créances entre époux naissent lorsque l’un des époux prête une somme d’argent à l’autre sans intention
de la lui donner.

Des créances naissent également entre les époux lorsque l’un d’eux finance 100% d’un bien alors pourtant que l’autre conjoint est également porté comme propriétaire dans l’acte d’acquisition. C’est le cas, par exemple, pour des biens immobiliers détenus par chaque époux pour moitié, mais financés en totalité par l’époux seul. (Juridiquement, une distinction est faite entre les créances entre époux et les créances de chaque époux à l’égard de l’indivision. Nous laissons cette distinction technique de côté pour faciliter l’approche).

Dans ces deux cas, l’époux débiteur doit en principe rembourser à l’époux créancier la somme prêtée, revalorisée selon l’évolution de la valeur du bien dans lequel la somme a été investie. Ce règlement peut avoir lieu sous forme de somme d’argent si le débiteur en dispose, ou bien sous forme de compensation par l’attribution du bien immobilier à l’époux créancier et compensation de la soulte qu’il doit avec la créance de pareil montant que le conjoint débiteur lui doit. S’agissant d’un acte de partage, le coût est celui mentionné plus haut de 3,5% TTC de la valeur du bien partagé.

2.2. Mécanismes de neutralisation des créances entre époux

Néanmoins, des mécanismes destinés à neutraliser ces créances ont été développés en jurisprudence dans certaines hypothèses.

2.2.1 La contribution aux charges du mariage

Le code civil prévoit que chaque époux doit contribuer aux charges du mariage (logements de la famille, scolarisation des enfants, alimentation, habillement, loisirs et vacances de la famille, etc.) à proportion de ses facultés. Dès lors, si l’un des époux n’a plus de revenus en raison de l’interruption de toute activité professionnelle afin d’élever les enfants et de tenir le foyer, il est considéré que le financement de 100 % de la résidence principale voire secondaire par l’autre époux seul relève de son obligation à contribuer aux charges du mariage, alors même que chaque époux est propriétaire pour 50% du bien. La demande de créance pourra donc être neutralisée de ce fait.

Ce mécanisme est retenu pour écarter toute demande de créance au titre du financement d’une résidence (principale ou secondaire) des époux, mais s’avère d’application beaucoup moins évidente pour neutraliser une créance relative à un bien immobilier donné en location, ne relevant manifestement pas des charges du mariage.

2.2.2 La donation rémunératoire

Un autre mécanisme pourrait être invoqué : celui de la « donation rémunératoire », imaginé par une jurisprudence plus ancienne, neutralisant la créance de l’époux lorsque son épouse a collaboré bénévolement à l’activité professionnelle de celui-ci ou s’est rendue disponible afin de l’épauler dans le développement de son activité professionnelle (réceptions et voyages professionnels avec lui, etc.). Ces deux mécanismes (2.2.1 et 2.2.2), s’ils sont expressément invoqués dans l’accord amiable passé entre les époux, permettront de neutraliser la créance et de considérer comme définitivement acquis les droits de l’épouse sur les biens immobiliers (50%). 

20/07/2018 Marie Hélène Girot

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