Insaisissabilité du patrimoine privé de l’entrepreneur Insaisissabilité de plein droit – Déclaration d’insaisissabilité

  • Depuis le 8 août 2015, l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur, personne physique, est de droit.
  • Une déclaration d’insaisissabilité peut de plus être effectuée sur tout immeuble bâti ou non bâti que l’entrepreneur n’a pas affecté à son usage professionnel.
  • Les biens déclarés insaisissables sont protégés à l’encontre des créances professionnelles.
  • Les parts de société civile immobilière sont exclues du champ d’application de la déclaration d’insaisissabilité.
  • La déclaration d’insaisissabilité doit être établie sous forme notariée à peine de nullité.

1. Les personnes concernées

Selon l’article L.526-1 du Code de commerce de « Toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante » peut effectuer une déclaration d’insaisissabilité.

Ont donc la possibilité d’y recourir les commerçants, artisans, agriculteurs, entrepreneurs individuels, personnes exerçant une profession libérale, auto-entrepreneurs, mais pas les sociétés, ni leurs dirigeants et/ou associés.

2. Les biens concernés

2.1. La résidence principale de l’entrepreneur et tout bien immobilier non affecté à l’usage professionnel de l’entrepreneur

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 applicable à partir du 8 août 2015, l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur est de droit. Si une partie seulement du bien est à usage de résidence principale l’autre partie étant utilisée pour son activité professionnelle, seule cette partie fait l’objet de l’insaisissabilité de droit.

Le dispositif de déclaration était originairement destiné aux seuls droits réels (en propriété ou en jouissance, en indivision, etc.) dont disposait l’entrepreneur sur l’immeuble constituant sa résidence principale. Le champ d’application de la déclaration d’insaisissabilité est aujourd’hui étendu à tout immeuble bâti ou non bâti que l’entrepreneur n’a pas affecté à son usage professionnel.

En présence d’un immeuble partiellement affecté à usage professionnel, la partie non affectée peut faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité après établissement d’un état descriptif de division permettant d’identifier les différentes affectations de l’immeuble dans la déclaration.

En revanche, la déclaration d’insaisissabilité ne peut pas porter sur un immeuble détenu par une société civile immobilière, ni sur les parts de société civile immobilière qui sont également exclues de son champ d’application.

A noter : La déclaration d’insaisissabilité ne fait pas obstacle à la domiciliation d’une société ou de l’exploitant individuel dans le local d’habitation.

2.2. Sous conditions, le prix de vente de la résidence principale

Le prix de vente de la résidence principale est également protégé à la condition qu’il soit remployé à l’acquisition d’une nouvelle résidence principale dans l’année qui suit la vente et que l’acte d’acquisition contienne une déclaration de remploi des fonds.

3. Les effets

Les biens objet de la déclaration d‘insaisissabilité sont protégés à l’encontre des créances professionnelles postérieures à la publication : ils ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie immobilière pour des dettes professionnelles.

A contrario, les biens ne sont pas protégés :

  • A l’encontre des créances professionnelles nées antérieurement à la publication de la déclaration dans un journal d’annonces légales (JAL), ou, antérieurement à la promulgation de la loi n°2015- 990 soit le 8 août 2015 dans l’hypothèse de l’insaisissabilité de droit.
  • A l’encontre de toutes les créances qui ne seraient pas nées à l’occasion de l’activité professionnelle, quelle que soit la date de leur naissance.

L’insaisissabilité pouvant limiter la capacité d’emprunt du professionnel, il arrive que les créanciers demandent à l’entrepreneur d’y renoncer en tout ou partie. La renonciation a lieu par acte notarié. Dans ce cas, le créancier qui bénéficie d’une renonciation n’est pas limité par la déclaration d’insaisissabilité, ni par l’insaisissabilité légale de la résidence principale.

En cas de décès, la déclaration reste opposable aux créances nées avant le décès. L’héritier qui poursuit l’activité est tenu de faire une nouvelle déclaration d’insaisissabilité en ce qui concerne ses biens et ceux reçus par succession.

En cas de fraude ou de manquements graves aux obligations fiscales, sociales ou comptables, l’administration fiscale peut considérer que l’insaisissabilité ne lui est pas opposable.

4. La durée de la protection d’insaisissabilité

L’’insaisissabilité a une durée illimitée.

L’article L.526-3 du Code de commerce ne prévoit que deux causes d’extinction de l’insaisissabilité :

  • La manifestation de volonté de l’entrepreneur d’y renoncer partiellement ou totalement,
  • Le décès de l’entrepreneur.

Dans cette seconde hypothèse, le bien reste protégé de manière permanente à l’égard des créances professionnelles qui seraient nées entre la date de publication de la déclaration et le décès du déclarant. Pour la période postérieure au décès, il appartient au nouveau propriétaire du bien, s’il est entrepreneur individuel et si le bien n’est pas affecté à l’usage professionnel, d’établir une nouvelle déclaration en son nom s’il le souhaite (à défaut d’insaisissabilité de plein droit).

5. Les formalités de la déclaration d’insaisissabilité

A peine de nullité, la déclaration d’insaisissabilité doit être établie sous forme notariée.

La déclaration (ainsi que sa renonciation s’il y a lieu) est opposable aux tiers à compter de sa publication au service de la publicité foncière et dans les registres légaux (Registre du commerce et des Sociétés – répertoire des métiers…), ou à compter de l’insertion dans un journal d’annonces légales, lorsque le professionnel n’est pas immatriculé à un registre de publicité professionnel.

La Cour de cassation a jugé que le tableau des avocats inscrits auprès d’un barreau ne constitue pas un registre de publicité à caractère professionnel (Cass. 1ère civ, 15 mai 2007, n°05-19-189, JCP G 2007, act.241)

Cette solution peut être étendue à toutes les professions libérales dont les membres appartiennent à un ordre et sont inscrits sur un tableau (médecin, architecte, pharmacien, expert-comptable, …).
Dans ces hypothèses, la déclaration d’insaisissabilité devra donc être publiée dans un journal d’annonces légales.

6. Applications pratiques

L’exclusion de ce dispositif de protection des entrepreneurs ayant fait le choix d’une forme sociale s’applique dès que l’entreprise jouit de la personnalité morale, que la responsabilité de l’entrepreneur soit ou non limitée à son apport, ainsi :

  • Compte tenu de l’absence de personnalité morale d’une société en participation d’avocats (A.A.R.P.I., société de fait), un avocat associé de cette structure peut bénéficier du dispositif de déclaration d’insaisissabilité de certains biens fonciers.
  • L’avocat associé d’une SELAFA ne peut pas effectuer de déclaration d’insaisissabilité puisqu’il s’agit d’une structure dotée de la personnalité morale.
  • Un notaire exerçant dans le cadre d’une société civile professionnelle ne peut effectuer une déclaration notariée d’insaisissabilité de sa résidence principale.
  • Un professionnel libéral membre d’une société civile de moyens, société auxiliaire et non d’exercice, exerçant directement sa profession peut effectuer une déclaration d’insaisissabilité.
  • Un artisan membre d’un GIE bénéficiera de la protection résultant d’une déclaration d’insaisissabilité tant pour les dettes de son entreprise individuelle, que pour celles du GIE auxquelles il appartient. En effet, le Groupement d’Intérêt Economique n’est qu’un outil juridique permettant à ses membres de développer leur propre activité.

02/10/2018 – Charlotte Salvado

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