Apport-cession et réinvestissement immobilier (art. 150-0 B Ter du CGI) : le conseil d’Etat valide l’activité para-hôtelière et ouvre une porte sur la location meublée

Le 19 avril 2022, le Conseil d’Etat a décidé qu’« une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ».

En octobre 2019, nous écrivions que le réinvestissement en immobilier du produit de cession des titres apportés moins de trois ans auparavant n’était pas considéré comme une activité économique pour un réinvestissement en location nue ou meublée mais était admis pour un réinvestissement en hôtellerie ou para-hôtellerie, permettant dans ce cas de conserver le report d’imposition de la plus-value d’apport. Cette décision valide notre position sur la para-hôtellerie et ouvre une porte sur une activité de location meublée avec services fournis gérée directement par le propriétaire.

Report d’imposition et réinvestissement :

Afin d’éviter le paiement de l’impôt sur la plus-value lors d’une cession d’entreprise, il est très fréquent que les principaux associés ou actionnaires apportent leurs actions de la société opérationnelle à une société holding soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) qu’ils contrôlent et que ce soit cette société holding qui cède les actions de la société opérationnelle.

 

La plus-value déclenchée par l’apport des titres à la holding (différence entre la valeur lors de l’apport et le prix de revient historique souvent nominal) est en report d’imposition pour les actionnaires personnes physiques.

 

La holding elle ne réalise pas de plus-value en vendant les actions de la société opérationnelle, car son prix de revient est la valeur lors de l’apport.

 

Le législateur a durci ce régime à la suite de nombreux redressements et contentieux initiés par l’administration fiscale : si la holding cède les titres moins de 3 ans après l’apport, le report d’imposition est remis en cause sauf engagement de réinvestir le produit de cession dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession, et pour au moins 60% dans des activités commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier.

 

Quels réinvestissements sont admis dans le domaine immobilier ?

  • L’activité hôtelière est admise.
  • L’activité de location nue ou meublée simple est exclue.
  • L’activité de location meublée exercée par le propriétaire avec prestations d’hébergement para-hôtelières ou mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains est admise.

La doctrine fiscale prévoyait : « sont exclues des activités éligibles au remploi les activités civiles, autres que celles assimilées fiscalement à des activités commerciales, sous réserve de ce qui suit. Est ainsi notamment exclue l’activité de location de locaux nus.

De même, ne sont pas éligibles au remploi les activités de gestion par la société de son propre patrimoine mobilier (notamment gestion de portefeuille de valeurs mobilières) ou immobilier (CGI, art. 150-0 B ter, I-2°-a), même lorsqu’elles présentent un caractère commercial, industriel, agricole, libéral, artisanal ou financier. Tel est notamment le cas des activités de location d’immeubles meublés ou équipés mentionnées aux 5° et 5° bis de l’article 35 du CGI qui bien qu’assimilées fiscalement à des activités commerciales constituent des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier. » (BOFIP BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 110)

Et le comité de l’abus de droit fiscal avait considéré pour le régime du sursis d’imposition (article 150-0 B) que l’activité de loueur en meublé présente un caractère patrimonial en matière d’apport-cession de titres, sauf si la location meublée est assortie de services para-hôteliers (Avis CADF 2012-51 du 14-2-2013 et 2016-10 du 19-1-2017). 

Le Conseil d’Etat a refusé le 19 avril 2022 l’éligibilité au remploi d’une activité de location meublé dont il n’était pas soutenu qu’elle « aurait été assortie de prestations para-hôtelières ou aurait été exercée dans des conditions d’exploitation telles qu’elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes. ».  (Conseil d’État n° 442946, 19 avril 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:442946.20220419)

Et le Conseil d’Etat a énoncé dans cette décision une position plus générale : «  une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains », qui va un peu au-delà de la recommandation de son rapporteur public qui visait surtout le services para-hôteliers..

En quoi consiste la para-hôtellerie ?

L’investissement en para-hôtellerie est éligible en tant que remploi validant un report 150-0 B ter, mais la para-hôtellerie est une activité sujette à une certaine appréciation par l’administration fiscale.

Il est nécessaire de fournir ou proposer au moins trois des quatre prestations suivantes, et dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle :

  1. le petit déjeuner,
  2. le nettoyage régulier des locaux,
  3. la fourniture de linge de maison,
  4. la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Lorsque ces services sont fournis ou proposés de manière accessoire et dans des conditions non similaires aux établissements d’hébergement à caractère hôtelier, ou lorsque la fourniture de ces services est effectuée par le preneur à bail commercial, l’activité relève du régime fiscal de la location meublée.

 

Art 261 D CGI : [L’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ne s’applique pas …] « b. Aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l’hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d’hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. »


16/05/2022 Henry Letulle

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